05 mai: histoire de hérisson
L'autre jour Mme F. prend rendez vous pour l'après-midi. Elle m'amène un petit nouveau me dit-elle. Bien. 15h, la voilà qui rentre avec une boite en carton et ... un hérisson dedans! Elle l'a trouvé dans son jardin au matin bien mal en point. Et effectivement le pauvre a une respiration bruyante avec du pus plein le nez et les yeux tous collés. Je devine qu'il doit être bien deshydraté, pourtant le pli de peau (dont la persistance est témoin du dégré de deshydratation) n'est pas facile à apprécier chez ce genre d'animal! Et puis il n'est pas facile à examiner notre ami hérisson. Il a beau ne pas avoir la forme, il n'a pas l'air décidé à se laisser faire...
Bon, je donne mon pronostic qui reste assez réservé quand même, et je teste quelques soins. Tout d'abord une rehydratation sous cutannée. Pas facile entre les pics mais c'est mieux que d'aller lui trouver une veine! Et puis je lui fait une injection d'un nouvel antibiotique qui a une rémanence de 15 jours, c'est à dire qu'avec une seule injection, on n'a plus besoin de donner les antibiotiques par voie orale. Il n'y a pas d'autorisation de mise sur le marché pour le hérisson bien entendu, je n'ai jamais vu d'étude sur le sujet dans la presse véto, mais de toute façon je vois mal Mme F. faire avaler des comprimés pendant 2 semaines... Et puis une injection corticoide pour diminuer l'inflamation des voies ORL et essayer de le faire remanger sinon je vois pas comment il peut s'en sortir le pauvre. C'est un peu l'opération de la dernière chance...
Mme F. est donc repartie avec son hérisson et je n'ai plus eu de nouvelles pendant un moment. J'en ai donc déduit que l'animal avait du trépasser bien rapidement sinon Mme F. n'aurait pas manqué de m'appeler pour me demander des conseils. Et voilà que 2 semaines sont passées et que Mme F. m'appelle pour prendre rendez vous pour un chat. "Et le hérisson, comment va-t-il?" je lui demande. "Mais très bien docteur, il s'est complètement remis et il gambade dans le jardin, il y a même retrouvé quelques congénères..." Mais c'est formidable ça! En general, pour les petits animaux comme ça, le taux de réussite n'est pas très élevé. La nature est faite comme ça. Il y a des espèces, souvent les proies de prédateurs, qui pullulent pour pouvoir assurer le renouvellement des générations. C'est donc leur nombre qui fait leur force et chaque individu est alors assez fragile et il est souvent illusoire de vouloir les soigner efficacement. Mais là, sur le coup, je suis bien contente car en voilà un qui s'en est sortit.
Je revois donc Mme F. pour son chat et là elle me dit: "vous savez docteur, tous les habitants du village ont bien ri quand ils ont su que j'avais emmené le hérisson chez le véto. Et bien ils n'en sont pas revenu quand je leur ai dit qu'on l'avait sauvé..." Et voilà, c'est la morale de l'histoire. On peut passer plein de temps et dépenser plein d'argent à faire des formations pour se spécialiser, mais il faut bien garder à l'esprit qu'il faut que ce soit avant tout pour son propre plaisir et son épanouissement personnel. Parce que les habitants du village de Mme F., ils ne sauront pas que vous êtes un bon véto ou tel spécialiste, mais alors, qu'est ce que vous l'avez bien soigné le hérisson de Mme F. ...
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